Des récits de la colonisation : Ethnogenèse, tradition orale et nationalisme chez les Napo Runa d'Amazonie équatorienne - Bibliothèque Europe-Amérique latine (REDIAL-CEISAL) Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2022

Stories of colonization : Ethnogenesis, oral tradition and nationalism among the Napo Runa of the Ecuadorian Amazon

Des récits de la colonisation : Ethnogenèse, tradition orale et nationalisme chez les Napo Runa d'Amazonie équatorienne

Résumé

My thesis is entitled: “Narratives of colonization: ethnogenesis, oral tradition and nationalism among the Napo Runa of the Ecuadorian Amazon”. It is the result of 17 months of field research carried out between 2014 and 2022 (MA and Ph. D. research) with the Napo Runa of the Ecuadorian Amazon (indigenous Quechuaphone group), in the provinces of Napo (cantons of Archidona and Tena), Orellana (cantons of Loreto, Coca and Joya de los Sachas) and Sucumbíos (cantons of Lago Agrio and Shushufindi). It deals with the ethnogenesis of the Napo Runa during the colonial period, the Napo Runa’s visions of this ethnogenesis and the colonial relations conveyed by the oral tradition as well as the recent production, by the Napo Runa, of a nationalist historical discourse, centered on events related to the colonial situation. To account for these three research themes, I use a variety of methods ranging from traditional ethnohistory to experiential ethnography. The linguistic dimension is also important in my work since my thesis includes many transcriptions-translations of historical stories that were told to me in Amazonian Quechua.In the first part, I report on the ethnogenesis of the Napo Runa through a western anthropological and historical epistemology, based on published and unpublished historical documents, produced by colonial actors between the 16th and the first half of the 20th century. This process of ethnogenesis has already been pointed out by certain ethnologists (Taylor, 1994, 1999; Uzendoski, 2010; Reeve, 2002; Muratorio, 1998; Hudelson, 1987), but has not, for the moment, been treated in detail. I show that, according to historical documents, it is not possible to establish a unilinear cultural filiation between the current Napo Runa and the pre-Columbian Quijos (a thesis that has however been supported by several academics and by intellectuals of the Amazonian region). On the contrary, according to my research, the ethnogenesis of the Napo Runa occurred after the Spanish conquest of the Upper Napo region, which led to the dislocation of pre-Columbian indigenous social structures and a strong demographic decline. Between the 16th and 18th centuries, the encomenderos and Jesuit missionaries of Upper Napo captured or brought in many natives from outlying regions to incorporate them into the encomiendas or to use them as "friendly Indians" to assist the evangelism project. This centripetal movement towards the Upper Napo region led to a strong concentration of population which experienced a process of cultural homogenization (while the archives produced by the conquistadores between 1538 and 1600 indicate the presence of several culturally and linguistically different groups in this region). Indeed, from the end of the 18th century and the beginning of the 19th century, many ethnographic descriptions mention, in the Upper Napo region, an important indigenous group which possesses the characteristics of the actual Napo Runa culture which distinguish them from other neighboring indigenous groups: Quechua language, Christianity, wearing clothes, salt consumption, monogamy, absence of cross-cousin marriage, absence of inter- or intra-tribal warfare. These cultural elements acquired alongside the Spanish colonists and the Jesuits will allow colonial actors to differentiate the Napo Runa whom they consider "docile", "semi-Christian" and "semi-civilized" from other indigenous groups considered "savages". “, “infidels” and “ferocious”. Because of this "quality" of "docile Indians" and "semi-Christians", the Napo Runa were inserted into servile relationships (work for debt) with the "whites" of the region (political authorities, employers, missionaries) until the 1960s. These intense colonial interactions left a lasting mark on the culture of the Napo Runa, which still bears traces today.
Ma thèse est le résultat de 17 mois de recherches de terrain effectuées entre 2014 et 2022 (master et doctorat) auprès des Napo Runa d’Amazonie équatorienne (groupe indigène quechuaphone), dans les provinces de Napo (cantons d’Archidona et de Tena), Orellana (canton de Loreto, de Coca et de la Joya de los Sachas) et Sucumbíos (canton de Lago Agrio et de Shushufindi). Elle traite de l’ethnogenèse des Napo Runa durant la période coloniale, des visions napo runa de cette ethnogenèse et des relations coloniales véhiculées par la tradition orale ainsi que de la production récente, par les Napo Runa, d’un discours historique nationaliste, centré sur des événements liés à la situation coloniale. Pour rendre compte de ces trois thèmes de recherches, j’emploie une pluralité de méthodes allant de l’ethnohistoire traditionnelle à l’ethnographie expérientielle. La dimension linguistique est également importante dans mon travail puisque ma thèse comporte de nombreuses transcriptions-traductions de récits historiques qui me furent racontés en quechua amazonien.Dans une première partie, je rends compte de l’ethnogenèse des Napo Runa à travers une épistémologie anthropologique et historique occidentale, sur la base de documents historiques publiés et inédits, produits par des acteurs coloniaux entre le 16e et la première moitié du 20e siècle. Ce processus d’ethnogenèse a déjà été pointé par certains ethnologues (Taylor, 1994, 1999 ; Uzendoski, 2010 ; Reeve, 2002 ; Muratorio, 1998 ; Hudelson, 1987), mais n’a, pour le moment, pas été traité en détail. Je montre que, selon les documents historiques, il n’est pas possible d’établir une filiation culturelle unilinéaire entre les Napo Runa actuels et les Quijos précolombiens (une thèse qui a pourtant été soutenue par plusieurs universitaires et également par des intellectuels de la région amazonienne). Au contraire, selon mes recherches, l’ethnogenèse des Napo Runa est survenue après la conquête espagnole de la région du Haut-Napo qui entraina la dislocation des structures sociales indigènes précolombiennes et une forte chute démographique. Entre le 16e et le 18e siècle, les encomenderos et les missionnaires jésuites du Haut-Napo capturèrent ou firent venir de nombreux indigènes provenant des régions périphériques afin de les incorporer dans les encomiendas ou de s’en servir d’« indiens amis » assistant le projet d’évangélisation. Ce mouvement centripète vers la région du Haut-Napo entraina une forte concentration de population qui vécut un processus d’homogénéisation culturelle (alors que les archives produites par les conquistadores entre 1538 et 1600 indiquent la présence de plusieurs groupes culturellement et linguistiquement différents dans cette région). En effet, dès la fin du 18e siècle et du début du 19e siècle, de nombreuses descriptions ethnographiques mentionnent, dans la région du Haut-Napo, un important groupe indigène qui possède les caractéristiques particulières de la culture des Napo Runa actuels qui les distinguent des autres groupes indigènes voisins : langue quechua, christianisme, port des habits, consommation de sel, monogamie, absence de mariage entre cousins croisés, absence de guerre inter ou intra-tribale. Ces éléments culturels acquis aux côtés des colons espagnols et des jésuites vont permettre aux acteurs coloniaux de différencier les Napo Runa qu’ils considèrent comme « dociles », « semi-chrétiens » et « semi-civilisés » des autres groupes indigènes considérés comme « sauvages », « infidèles » et « féroces ». En raison de cette « qualité » d’« indiens dociles » et « semi-chrétiens », les Napo Runa ont été insérés dans des relations serviles (notamment de travail contre dette) avec les « blancs » de la région (autorités politiques, patrons, missionnaires) jusqu’aux années 1960. Ces intenses interactions coloniales ont marqué durablement la culture des Napo Runa qui en garde les traces encore aujourd’hui.
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Origine : Version validée par le jury (STAR)

Dates et versions

tel-03854820 , version 1 (16-11-2022)

Identifiants

  • HAL Id : tel-03854820 , version 1

Citer

Arthur Cognet. Des récits de la colonisation : Ethnogenèse, tradition orale et nationalisme chez les Napo Runa d'Amazonie équatorienne. Sociologie. Université de Lyon, 2022. Français. ⟨NNT : 2022LYSE2017⟩. ⟨tel-03854820⟩
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