Simone de Beauvoir : écriture de soi et allongement de la phrase (p. 269-286)
Résumé
Comment situer Simone de Beauvoir dans l’histoire de la prose française ? Un bref état de l’art sur le style de Simone de Beauvoir est assez révélateur de la place paradoxale qui lui est accordée encore aujourd’hui en France. Aucun livre n’est consacré au style de Beauvoir, abordé d’ordinaire au détour d’un article. Son style est souvent rapproché d’un langage oral, simple voire familier, en écho à la fois à l’ouverture des langages littéraires au langage parlé et aux déclarations de Sartre dans Qu’est-ce que la littérature ? en 1948. Pour autant, le style de Beauvoir dans ses Mémoires est très éloigné de la platitude auquel il est souvent associé. Pas plus que de l’écriture de Yourcenar, on ne peut dire de celle de Beauvoir qu’elle est novatrice. En revanche, supposer que le style ne fait pas partie de ses préoccupations ou la réduire à un style simple et à l’imitation du langage parlé, c’est ignorer totalement la spécificité de l’écriture autobiographique de Beauvoir et la façon dont elle s’inscrit dans une histoire de la prose française. Beauvoir n’est pas un « écrivain sans Littérature », selon la formule de Barthes Son écriture n’est ni « l’écriture blanche, celle de Blanchot, de Camus ou de Cayrol par exemple », ni « l’écriture parlée de Queneau ». À travers ses phrases affleurent des traces des innovations stylistiques en prose des cent ans qui précèdent la publication des Mémoires d’une jeune fille rangée.