Remy de Gourmont et l’imaginaire du style (p. 241-254)
Résumé
En 1916, dans sa préface au Cornet de dés, Max Jacob affirme : « La volonté ne peut s’exercer que sur le choix des moyens, car l’œuvre d’art n’est qu’un ensemble de moyens et nous arrivons pour l’art à la définition que je donnais du style : l’art est la volonté de s’extérioriser par des moyens choisis : les deux définitions coïncident et l’art n’est que le style. » Certes, le « style » chez Max Jacob revêt un sens particulier : « le style est considéré ici comme la mise en œuvre des matériaux et la composition de l’ensemble, non comme la langue de l’écrivain ». Il n’en reste pas moins qu’à l’orée des années 1920, le primat du style en littérature est largement accepté.
De la Culture des idées au Problème du style, Gourmont durcit sa position tout en précisant nettement sa définition du style. En 1902, Remy de Gourmont publie un recueil d’essais, sous le titre Le Problème du style : questions d’art, de littérature et de grammaire. La préface annonce une réfutation du traité d’art d’écrire d’Albalat, La Formation du style par l’assimilation des auteurs (1901). Tandis qu’Albalat se situe plutôt dans la continuité de l’ancienne définition des Belles-Lettres, Remy de Gourmont élabore une représentation du style singulière, fondée sur la physiologie. L’art d’écrire ne saurait s’apprendre car le style est une question de physiologie. Il est donc étroitement corrélé à un individu singulier, à la forme et aux capacités de son cerveau. Réécrivant une citation de Taine, il affirme : « On ne se donne pas son style ; sa forme est déterminée par la structure du cerveau ; on en reçoit la matière des faits avec qui l’on est en commerce. » En des phrases souvent complexes, clairement charpentées, Gourmont définit le style à mi-chemin entre modernité et tradition.