Être Coréens au Kazakhstan - Université Paris Cité Accéder directement au contenu
Ouvrages Année : 2016

Être Coréens au Kazakhstan

Yim Eunsil
  • Fonction : Auteur

Résumé

L’effondrement de l’Union soviétique en décembre 1991 marque un tournant dans l’histoire de la minorité coréenne. L’indépendance des quinze républiques soviétiques entraîne le morcellement de l’« identité soviétique » en autant d’identités nationales différentes. Chaque jeune État doit désormais procéder à la construction d’une identité nationale nouvelle qui correspond à sa souveraineté ainsi acquise. Les conditions d’existence sociale des Coréens – ces derniers sont répartis principalement en Asie centrale, notamment en Ouzbékistan (183 140), au Kazakhstan (103 315), et en Russie (107 051) – changent radicalement. La fin de l’URSS s’accompagne de l’éclatement de tout l’univers symbolique relatif à l’identité collective de « Coréens soviétiques » (Sovetskie korejcy) qui était profondément enracinée en tant que telle dans leurs schèmes mentaux. Les Coréens n’ont d’autre choix que de se soumettre aux exigences spécifiques de chaque nouvel État dont ils sont censés devenir « citoyens » à part entière. C’est dans ce contexte propice aux affirmations identitaires que l’on assiste à l’émergence de l’« identité coréenne » comme objet de mobilisations collectives. Ces dernières s’organisent dans de nombreuses régions au Kazakhstan – et aussi dans d’autres anciennes républiques soviétiques – dans des Centres culturels coréens, nouvelle institution créée dans le sillage de la perestroïka à la fin des années 1980. Instance de canalisation des activités et des manifestations culturelles à leurs débuts, ces Centres culturels évoluent rapidement pour devenir également le lieu de socialisation des élites coréennes qui les dirigent. Issus des milieux académique, culturel et politique, ces dirigeants vont s’approprier la question de l’« identité coréenne » en la transformant en un enjeu de luttes de pouvoir autour du monopole de la représentation, c’est-à-dire d’agir et de parler pour et au nom de la minorité coréenne. La question de l’« identité » de ces Coréens du Kazakhstan concerne aussi l’État kazakhstanais en ce qu’il représente l’instance de production de définition légitime de l’identité collective de cette minorité, et la Corée du Nord et la Corée du Sud, qui s’attribuent chacune l’autorité de représenter la « nation coréenne » (hanminjok). La lutte autour de la définition de l’« identité coréenne » se cristallise de manière particulièrement éclairante au sein de l’Association des Coréens du Kazakhstan (Associacija Korejcev Kazakhstana, AKK) qui occupe une position de double intermédiaire. Cette association est, d’une part, l’organisation représentante de la minorité coréenne reconnue comme la seule légitime auprès de l’État kazakhstanais et, d’autre part, l’intermédiaire privilégié des organismes publics de la Corée du Sud. Dans le microcosme des entrepreneurs identitaires coréens au Kazakhstan, elle occupe la position à la fois dominante et pro-sud-coréenne et, de surcroît, concurrente du réseau associatif pro-nord-coréen Kot’ongryŏn. Elle est ainsi engagée dans de multiples réseaux de relations obéissant chacun à une triple logique contraignante : tout d’abord l’allégeance à l’égard de l’État kazakhstanais, ensuite la subordination à l’égard de la Corée du Sud, et enfin la confrontation avec la Corée du Nord et son réseau pro-nord-coréen. Cet ouvrage se propose d’étudier la problématique identitaire de la minorité coréenne qui émerge de ce contexte postsoviétique. L’objectif n’est pas d’interroger ce qu’est l’« identité coréenne », mais d’analyser la condition même qui rend possible l’entreprise de définition identitaire. Il s’attache à montrer que la question de l’identité telle qu’elle s’impose aux Coréens du Kazakhstan ne peut se poser autrement que dans sa double réalité, à savoir celle d’une minorité ethnique et celle d’une diaspora, ces Coréens étant tout à la fois une minorité de l’État kazakhstanais et une diaspora de la Corée divisée en deux États, la Corée du Nord et la Corée du Sud.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-03286496 , version 1 (14-07-2021)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03286496 , version 1

Citer

Yim Eunsil. Être Coréens au Kazakhstan : Des entrepreneurs d'identité aux frontières du monde coréen. Institut d'études coréennes, 2016, Alain Delissen, 978-2-905358-17-2. ⟨hal-03286496⟩
67 Consultations
0 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More