, , vol.37, p.77

, On lit chez Chamfort71 : « Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi ni à personne : voilà, je crois, toute la morale ». Tout l'effort des moralistes du siècle suivant sera d'établir une morale plus orientée vers le souverain bien, émancipée de la religion : « vertu » dans l'amour de la vie et dans la solidarité humaine pour Vauvenargues, « caractère » et passion d'être à soi pour Chamfort. Tension encore dans le texte de La Bruyère entre la primauté de la raison, seul guide pour l'homme sage72, et l'existence de l'émotion, sur laquelle il faut faire fond. Citons le n° 82 : « Il y a des lieux que l'on admire ; il y en a d'autres qui touchent, et où l'on aimerait à vivre. Il me semble que l'on dépend des lieux pour l'esprit, l'humeur, la passion, le goût et les sentiments ». De nombreux commentateurs ont mis l'accent, pardelà les réminiscences malebranchiennes, et en dépit de l'illusion rétrospective, sur la prémonition des déterminismes géographiques de Montesquieu ou, plus justement a priori, sur une annonce du sentiment de la nature et des rêveries rousseauistes. Tout bien considéré, outre que la réflexion sur les climats est prise dans le continuum de la culture scolastique, le thème de la retraite, bucolique pour ce qui est du modèle antique, alimente largement les spéculationsdes moralistes, Maximes n° 440 (c'est dans sa postérité que Proust se fera le contempteur de l'amitié, de l'illusion intellectuelle qu'elle entretient et de sa médiocre qualité). 67. N° 48 et 53. cité unique d'une sensibilité essentiellementnaturelle. On lit chez Vauvenargues68 : « Les grandes pensées viennent du coeur

, La Bruyère ne reconnaît à l'amour que le pouvoir de la tentation, qui tombe sous le coup du rigorisme à l'antique et du christianisme des prédicateurs ; celui-ci, essentiellement orienté vers le salut de l'âme, n'ayant rien encore de la tendre religion que prônera un certain romantisme. « L'homme, dans l'état actuel de la société, me paraît plus corrompu par sa raison que par ses passions » avancera Chamfort75 : à la fin de notre texte, la raison reste, intacte, comme le premier moteur souhaitable, pour autant qu'on a mis en lumière toutes les atteintes opérées par le coeur dans la personne et dans la société, Pour autant que ce chapitre nous permette de conclure, l'amour ici n'est pas un sens donné à la vie, ou l'élan susceptible d'inspirer l'entreprise créatrice. Il faudra pour cela que décante l'influence du goût classique, au bénéfice des émergences conjointes de l'individu doué de sensibilité et du principe esthétique de l'imperfection plaisante qu'on trouve dès 1746 dans les Réflexions et Maximes de Vauvenargues

. Cf and . Le-fragment-«-de-la-retraite, a pas toutefois le caractère nostalgique de la maxime 342 par exemple, sur « l'accent du pays où l'on est né, Du goût pour la retraite et de la dignité du caractère

«. Vrai, Tricentenaire des Caractères, vol.17, p.44, 1989.

, Être avec des gens qu'on aime, cela suffit ; rêver, leur parler, ne leur parler point, penser à eux, penser à des choses plus indifférentes, Remarque, vol.23

, Il faut savoir lire et ensuite se taire, est-il dit dans le Discours à l'Académie : peu de moments dans les Caractères permettent encore aujourd'hui une telle résonance